Hommages à Martine Prévot-Hubert

- Publié le 18/12/2023
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Martine Prévot-Hubert, décédée le 16 septembre 2023, a joué un rôle de premier ordre dans le monde de la documentation, notamment à l'ADBS, à Sciences Po et à l’AIESI (Association internationale des écoles francophones en sciences de l'information) dont elle a été présidente. L'ADBS souhaite lui rendre hommage en publiant ici les témoignages reçus.

Témoignage de Claudine Masse, Responsable du service formation continue de l’ADBS de 1996 à 2004

Témoignage d'Elisabeth Gayon

Témoignage de Christiane Volant

Témoignage de Jean Michel, président de l'ADBS de 1992 à 1997

Témoignage d'Odile Gaultier-Voituriez

Témoignage de Claudine Masse, Responsable du service formation continue de l’ADBS de 1996 à 2004

Martine PREVOT-HUBERT, décédée le 16 septembre 2023, a joué un rôle de premier ordre dans le monde de la documentation, bien entendu d’abord à Sciences Po comme le montre ici Elisabeth GAYON, mais aussi à l’ADBS et plus généralement dans le monde de la documentation en particulier à l’AIESI (Association internationale des écoles francophones en sciences de l'information) dont elle a été présidente.

Au sein de l’association, elle défend la nécessité de faire évoluer les formations, comme l’explique Christiane VOLANT ; elle représente les formations au sein du Conseil d’administration et du bureau, inspire et soutient Jean MICHEL dans le développement de l’Association.

Elle a été pour le service formation continue de l’ADBS non seulement une interlocutrice privilégiée, mais surtout un soutien de tous les instants, toujours présente pour répondre à une question de la plus simple à la plus complexe, pour discuter, pour conseiller. Ses étudiants, qu’elle aimait tant et qui pour certains sont devenus ses ami(e)s, ont constitué un vivier essentiel de formateurs pour l’ADBS.

Au-delà du professionnel, elle était une bonne vivante avec laquelle j’ai eu plaisir de partager de nombreux moments de joie, de bons repas et des cours au Louvre. Odile Gaultier-Voituriez lui a rendu un bel hommage le 27 septembre dernier lors de ses obsèques.

Claudine Masse

Témoignage d'Elisabeth Gayon

Martine Prévot, une carrière à Sciences Po marquée par des innovations continues.

Martine et moi avons été successivement collègues, puis partenaires au DESS, amies, partageant en fin de carrière notre passion pour l’art à l’Ecole du Louvre, Martine en auditeur averti, moi en auditeur néophyte.

Diplômée en 1972 du Cycle supérieur en Information Documentation créé par Jean Meyriat en 1969, Martine a intégré le Centre de documentation contemporaine de la Fondation nationale des sciences politiques puis rapidement pris en charge le cours d’analyse documentaire du Cycle supérieur en Information Documentation, dont elle fut mon enseignante lors de mon cursus en 1973-1974. Je l’ai rejointe au Centre de documentation contemporaine dont les principales missions étaient la rédaction du Bulletin analytique de documentation politique, économique et sociale contemporaine, ainsi que la constitution de dossiers de presse.

En 1983, Martine quitta le Centre de documentation contemporaine pour prendre la responsabilité du Cycle supérieur en Information et Documentation et eut toute liberté pour mettre à profit ses idées de modernisation de la profession. Je quittai Sciences Po en 1985, mais j’ai continué à y assurer des enseignements, à participer aux jurys de recrutement des élèves et à l’élaboration des programmes, à diriger des mémoires.

Actant du fait que les débouchés du DESS, initialement largement tournés vers le secteur public, se trouvaient de plus en plus dans le secteur privé et les entreprises, Martine a élargi le recrutement, réservé aux diplômés de sciences humaines, sciences sociales et instituts d’études politiques (IEP), aux diplômés de sciences exactes, aux diplômés d’écoles d’ingénieur et aux diplômés d’écoles de commerce, ce qui subsidiairement a permis de masculiniser les promotions.

En 1997, le DESS est officiellement devenu DESS gestion de l’information dans l’entreprise, avec comme objectif de former des professionnels de haut niveau, capables d’être les interlocuteurs des directions, voire d’accéder à des postes de directeur. Martine avait un talent de chasseur de têtes, elle avait le flair pour sélectionner les profils pertinents, ce qui m’a permis de recruter en toute confiance.

Outre les enseignements fondamentaux des métiers de l’information, des cours novateurs ont été introduits : connaissance de l’entreprise et de son environnement, renseignement sur les sociétés, conduite des processus de changement, gestion des connaissances, analyse de la valeur, gestion des contenus en ligne, veille et intelligence économique, stratégie des outils informatiques, etc. Ces cours étaient confiés à des professionnels, venant d’horizons très variés, parfois fort jeunes, à la pointe de la réflexion sur le management de l’information.

Lorsque nous évoquions ces dernières années les évolutions du métier, nous parlions d’intelligence artificielle, de gestion des données, d’archivage électronique.

Pour conforter le rayonnement du métier, Martine a participé activement à la mise en place de séminaires de formation continue à Sciences Po Formation où des cadres supérieurs venaient se sensibiliser aux enjeux de l’information. Mais si sa pratique à Sciences Po était élitiste, elle a toujours eu une vision globale du métier et s’est impliquée dans les divers jurys et les organisations professionnelles, en particulier l’ADBS.

La réforme licence master doctorat (LMD), qui a permis d’aligner les formations universitaires françaises sur les formations européennes, a sapé les fondements du DESS : convenant à des diplômés de l’enseignement supérieur de divers horizons venant se professionnaliser en une année, le nouveau master n’a pas trouvé sa place pour des étudiants sortant de la licence (trop jeunes), ni pour des étudiants ayant déjà un master. Les autres DESS de Sciences Po partageant la même problématique, leurs responsables (dont Martine) ont tenté de faire valoir la création d’un master de Sciences Po en communication avec quatre mentions de spécialisation professionnelle, dont la gestion stratégique de l’information. Le projet n’a pas été retenu, le recrutement s’est tari, et, si deux promotions (2004 et 2005) portent bien le titre de Master gestion de l’information en entreprise, elles marquent la fin d’une aventure intellectuelle qui a diplômé 600 étudiants entre 1969 et 2006.

Martine a rebondi à la Mission archives de Sciences Po, un retour aux sources puisqu’elle était historienne de formation. Elle y a consacré son énergie habituelle et sa vision prospective des enjeux. Dans la note sur la Mission archives qu’elle a rédigée à la veille de sa retraite en 2011, elle recommande le rattachement de la Mission archives à la Bibliothèque, dans la mesure où le travail effectué sur les archives relève davantage d’un travail documentaire. Le rattachement a été effectif lors de son départ et poursuivi en 2021, car le Département archives qui a rassemblé les trois services d’archives fait désormais partie de la Direction des ressources documentaires et de l’information scientifique.

Elisabeth Gayon

Témoignage de Christiane Volant

Rendre hommage à une personne avec qui on a partagé un travail d’équipe et des relations amicales est toujours très émouvant.

Nous avons co-présidé, Martine et moi, la commission Formation de l’ADBS de 1993 à 2001 et avons traversé l’évolution parfois un peu incohérente et souvent très tourmentée du système de formation du secteur de l’information-documentation. Martine était toujours en éveil et d’une grande perspicacité. Il ne s’agit pas de reprendre ici les activités de la commission formation mais d’en souligner les grandes missions. Que ce soit pour l’évaluation du caractère professionnel des formations, la veille sur les projets de nouvelles formations, le souci de la rénovation des filières, l’évolution des métiers, l’exploration de nouveaux territoires, Martine a toujours eu une vision d’ensemble de ce paysage très pointue et clairvoyante.
Nous avons partagé ensemble la nécessité pour les formations professionnelles de s’ouvrir largement au monde de l’entreprise. Vision parfois difficile à faire partager…

Son DESS à Sciences Po en est une représentation particulièrement exceptionnelle. D’esprit innovateur, elle m’a donné ainsi l’occasion de diffuser la pensée systémique et des sciences de la complexité auprès de ses étudiants, dans le cadre de mon enseignement de management des systèmes d’information documentaire. Ces interactions pédagogiques étaient particulièrement riches. Je l’en remercie.

Nos nombreuses discussions à l’ADBS, à Sciences Po ou ailleurs étaient toujours l’occasion de revisiter, sans fin, l’environnement de notre secteur, qu’il soit professionnel, universitaire, voire dans ses aspects politiques, y compris sur le plan international.

Christiane Volant

Témoignage de Jean Michel, président de l'ADBS de 1992 à 1997

Le décès de Martine Prévot-Hubert m'a personnellement et profondément beaucoup touché, tant nous avons eu de réelles et riches occasions de travailler ensemble sur les questions de formation et de développement des compétences des professionnels de l'information et de la documentation, avec une vraie complicité et, toujours, dans un esprit de profonde amitié réciproque.

Je voudrais tout d'abord évoquer ma participation active au programme de DESS puis de Master de Sciences-Po que Martine pilotait avec une grande et intelligente responsabilité. Très tôt sollicité par elle comme intervenant pour des cours sur l'analyse de la valeur puis plus largement sur le management de l'information, j'ai été rapidement impressionné par la qualité du cursus proposé. Martine avait placé la barre très haut en matière d'exigences scientifiques et méthodologiques, ce qui me convenait parfaitement. Les travaux menés par ses (et mes) étudiants dans le cadre de ces cours étaient passionnants à diriger et je dois avouer que certaines de leurs recherches m'ont beaucoup aidé à faire progresser ma vision sur le futur de la profession et sur les perspectives modernes de management de l'information et de la documentation.

Et c'est bien sûr aussi en tant que Président de l'ADBS que j'ai apprécié la collaboration solide et toujours très riche avec Martine. Présidant la Commission Formation de l'association, elle avait à cœur de bien comprendre, expliquer et mettre en cohérence les différents types de formations existantes, en dépit du fait que si le mot “documentaliste” est unique, les parcours pédagogiques étaient et restent en France bien contrastés (des DUT aux DESS à l'époque) pour ne pas dire hétéroclites. La vision personnelle de Martine sur la formation initiale des professionnels pouvait a priori paraître élitiste mais dans le bon sens de ce terme, celui de la nécessité d'une ambition positive et prometteuse, car former des jeunes dans un domaine en profonde mutation, c'est leur permettre de pouvoir franchir les étapes de leur longue carrière dans un environnement changeant, chaotique. La vision globale, systémique et prospective, de Martine sur les questions de formation professionnelle (et de formation humaine aussi) m'allait très bien et je ne pouvais qu'y souscrire.

Martine a aussi suivi de près l'importante question de l'actualisation des connaissances des professionnels (formation continue) et aussi celle, complexe, de la certification de leurs compétences. Dans le cadre du programme de certification des compétences développé par l'ADBS, Martine a su apporter un soutien de poids, ce qui n'empêchait pas les échanges critiques et les fertiles interrogations.

Son texte de 2004 paru dans Documentaliste - Sciences de l'Information est un parfait témoignage de la pensée globale mais toujours précise et sans concession de Martine.

De façon plus générale, c'était aussi à l'occasion de déjeuners d'échange (près ou loin de Sciences-Po), que l'on refaisait ensemble le monde de la documentation. C'était de riches occasions de confrontations d'idées comme par exemple à l'occasion de la conception de la Charte de l'ADBS adoptée en 1996, Martine m'aidant à bien penser et structurer un texte essentiel mais délicat, de nature politique, qui devait servir de cadre directeur pour le développement de l'association.
Je ne voudrais pas terminer cet hommage à notre amie Martine, sans évoquer sa personnalité. Son esprit foncièrement critique pouvait parfois laisser penser qu'elle ne souhaitait pas s'engager trop avant. En fait derrière cette apparente prudence, Martine était bien convaincue de la nécessité d'avancer, d'innover, d'être à l'écoute du monde, de préparer les jeunes professionnels à faire preuve d'imagination, mais toujours dans la plus grande rigueur. Quelqu'un aussi avec qui dialoguer s'avérait toujours très fructueux.

Jean Michel

Témoignage d'Odile Gaultier-Voituriez

Discours prononcé à l'enterrement de Martine Prévot au cimetière du Père-Lachaise, le 27 septembre 2023

Chère Martine,

Il y a 33 ans, un beau jour de début d'été, une personne dynamique vêtue d'un joli ensemble bleu et blanc montait et descendait dans l'amphi Boutmy, à Sciences Po, pour vérifier la sagesse des candidats penchés sur leur copie. Cette jeune femme, c'était toi, premier contact avec l'institution pour nombre d'étudiants dont je faisais partie : tes futurs élèves de la nouvelle promo du DESS Information et documentation - les masters n'existaient pas encore !

Tu t'es donnée corps et âme pour cette formation en laquelle tu croyais, visionnaire après Jean Meyriat sur le rôle de l'information et de la documentation dans les entreprises et les institutions, très tôt consciente du rôle essentiel de l'informatique dans nos métiers. Tu recrutais, formais, enseignais comme maître de conférences associée, trouvais des stages, gardais des liens et constituais le réseau des anciens, avec dynamisme et efficacité.

Mais auparavant, et après avoir obtenu toi-même le DESS à la suite de tes études d'histoire et d'une première expérience professionnelle, tu avais travaillé au centre de documentation de Sciences Po, lieu d'innovations passionnantes mis en place par Jean Meyriat. Analyse d'articles scientifiques et choix et indexation d'articles de presse ont constitué ton riche quotidien intellectuel pendant dix ans, de 1973 à 1983. Francine, Sylvie et Marie sauraient en parler mieux que moi ! Pendant les 42 ans où Nicole Richard a dirigé le centre de doc, 42 enfants sont nés, comme elle aimait à le rappeler, et vous en faites partie, Julien, Amélie et Pauline !

Parallèlement, tu t'es engagée, Martine, dans l'aventure associative professionnelle, notamment pour la formation bien sûr, à l'ADBS et à l'association internationale des écoles francophones en sciences de l'information. Tu as contribué au rayonnement de la profession par des articles et des interventions. Tu as participé à de nombreux jurys, à l'INA, au CNRS, à la Documentation française et à celui du CAPES.

Malheureusement, le DESS a été supprimé. Cela a été un crève-cœur pour toi. Les dernières années de ta carrière, de 2007 à 2011, ont été consacrées à la toute jeune Mission archives, aux côtés de Yanick Muguet. Tu as saisi le sujet à bras-le-corps, récupérant et sauvant les archives de l'institution réparties dans tous les lieux possibles et imaginables. Tu as rédigé une dernière note, claire et précise, pour expliquer la situation et transmettre, une dernière fois, comme tu l'avais si souvent fait comme enseignante.

Merci, Martine, pour tout ce que tu nous as transmis et laissé, avec ta vive intelligence, ton franc-parler et ton cœur.

Odile Gaultier-Voituriez

 

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