Machrek-Maghreb : Les professionnels de l'information au défi du quotidien

Ce nouveau numéro international, le troisième de la revue I2D, est consacré au berceau des civilisations et de l’écriture.
L’écriture est la mémoire des hommes.
Tout commence entre le Tigre et l’Euphrate, en Mésopotamie. Si l’écriture est née prosaïquement de la tenue de registres de comptes, elle est à l’origine de traités scientifiques ou d’oeuvres littéraires. S’ensuit un bouleversement considérable, mille ans avant J.‐C. : celui de l’invention de l’alphabet, issu en grande partie des écritures arabe et latine. Et c’est bien de l’écrit que naissent les bibliothèques !
Certes, la bibliothèque en tant qu’institution apparaît plus tardivement. Mais l’héritage des bibliothèques antiques est l’origine de nos bibliothèques comme lieux de savoir et de pérennisation des cultures.
La nécessité de dresser un état des lieux de ces espaces inscrits dans ces pays originels m’est apparue comme une évidence. I2D devait rendre compte, grâce aux professionnels issus de ces cultures, si riches, de la situation actuelle des bibliothèques dans cet environnement historique, culturel et politique.
Et les témoignages sont prégnants, voire poignants, à la lumière des défis et des réalités des bibliothèques palestiniennes, ou de la reconstruction des collections après la guerre civile au Liban, ou encore de « la fragilisation des professionnels de l’information » au moment de l’invasion de l’Irak en 2003. Tous les textes proposés insistent sur la nécessité absolue d’organiser l’information, de mettre en oeuvre des politiques publiques dynamiques pour pérenniser la culture, des cultures incontournables, et lutter contre les obscurantismes.
Très attachée à ces régions du monde où j’ai eu le privilège de vivre durant de longues années, ayant approché intimement le patrimoine qui est le leur, j’espère que les lecteurs de ce numéro Machrek-Maghreb seront sensibles aux contributions de leurs collègues professionnels.
Je remercie chaque auteur pour le temps consacré à l’écriture de son texte, en espérant les rencontrer un jour pour continuer ces « conversations ». Je remercie chaleureusement Joumana Boustany, que j’ai sollicitée pour ce numéro : pour son travail remarquable de coordination, mais aussi pour ce temps consacré à la traduction de tous les textes (à diverses reprises et qui pour la plupart ont été fournis en premier lieu en arabe). Nous apprécierons tous et toutes son analyse fine qui inscrit ces expériences dans un environnement historique et géopolitique si déterminant.
Bonne lecture ! et n’hésitez pas à nous écrire.

Le Machrek et le Maghreb, deux régions distinctes mais intimement liées par une histoire et des racines culturelles communes, sont le reflet vivant des échanges, invasions et migrations qui ont façonné leur identité. Ces terres, témoins de la naissance de civilisations influentes, mettent en lumière l'importance vitale des bibliothèques, véritables piliers de la préservation du patrimoine et de la diffusion du savoir. À travers un voyage historique et contemporain, ce dossier explore la richesse, les défis et les évolutions des bibliothèques dans ces régions, soulignant leur rôle central dans le tissu socioculturel et leur capacité à embrasser l'avenir tout en honorant le passé.

« La passion des Irakiens pour la lecture, témoigne l’écrivain AL-JAHIZ, était comme un lion quand il se jetait sur sa proie. » L'histoire de l'Irak commence avec la Mésopotamie, berceau des premières civilisations humaines, et les Irakiens figurent parmi les premiers peuples à avoir fondé des bibliothèques et encouragé la lecture et la recherche scientifique.
Ces bibliothèques ont évolué au cours des âges : tantôt florissantes, un grand nombre d’entre elles ont disparu à d’autres périodes. L’invasion de l’Irak en 2003 a mis à mal les lieux de cultures et fragilisé les professionnels de l’information.
Cet article, rédigé par la présidente de l’Association irakienne des bibliothèques et de l’information, fondée en 2013, présente une analyse riche et engagée de l’histoire et de la situation actuelle.

Au cours du XIXe siècle, la Jordanie a connu une renaissance culturelle, qui s’est notamment traduite par une augmentation des bibliothèques. Différents types de bibliothèques ont été créées : publiques, spécialisées, universitaires, nationales, scolaires, privées. Cet article retrace leur développement sur un siècle, de 1921 à 2021, à travers les principaux événements historiques qui ont affecté le premier centenaire de l’État jordanien, ainsi que l’évolution de l’enseignement de la bibliothéconomie de 1966 à nos jours. Il s’appuie à la fois sur l’expérience de l’auteur dans ce domaine, qui s’étend sur plus de quarante ans, et sur des sources publiées, en particulier le Guide de la bibliothèque en Jordanie.
Il présente aussi l’Association jordanienne des bibliothèques et de l’information et ses transformations entre 1965 et 2021.

Dans cet entretien approfondi avec Randa Al-Chidiac, nous explorons l’état actuel de la bibliothéconomie et de la documentation au Liban, ainsi que l’histoire riche et tumultueuse des bibliothèques libanaises. De la reconstruction post-guerre civile à l’impact des crises récentes, en passant par les défis et opportunités auxquels sont confrontés les bibliothécaires, ce texte offre un aperçu éclairant de la place des bibliothèques dans la société libanaise et de leur rôle essentiel en tant que gardiens du patrimoine culturel.
L’article présente également l’Association libanaise des bibliothèques.

Les bibliothèques ont un rôle important à jouer dans la préservation de l’identité nationale et culturelle du peuple palestinien, surtout dans le contexte du conflit israélo-palestinien et de la situation politique complexe dans la région. Les bibliothèques doivent faire face à des défis majeurs, notamment le manque de programmes éducatifs spécialisés dans les institutions palestiniennes, et la nécessité de former davantage de professionnels qualifiés pour gérer les bibliothèques et de suivre les évolutions technologiques dans le domaine de l’information et des bibliothèques. Malgré ces difficultés, des efforts sont déployés pour renforcer les bibliothèques et améliorer leur accès et leurs services pour la population.
Cet article présente également l’Association palestinienne des professionnels des bibliothèques et de l’information (APBI).

Lors de la célébration du soixantième anniversaire de la Fête de l’indépendance en Algérie, en 2022, on a mis à l’honneur les réalisations d’ordre militaire, économique, industriel et agricole… et on a oublié, une fois de plus, les bibliothèques publiques. Pourtant, avec 1552 bibliothèques municipales, 42 bibliothèques principales et 144 bibliothèques de lecture publiques, l’Algérie possède une des infrastructures les plus importantes dans le monde arabe. Ces bibliothèques contribuent fortement au processus de développement du pays, mais cela n’est pas visible pour le public ni dans les recherches et études réalisées par les professionnels de l’information et des bibliothécaires. Pour remédier à cette méconnaissance, nous essayons ici de faire la lumière sur le réseau des bibliothèques publiques en Algérie. A travers trois grandes étapes historiques, cet article retrace la manière dont ce réseau s’est constitué, au gré des transformations de paradigme que l’Algérie a traversées, jusqu’à la création en 2003 d’une nouvelle génération de bibliothèques publiques algériennes : ces « bibliothèques principales de la lecture publique » sont envisagées par les décideurs somme des facteurs clés de reconstruction nationale, de réforme et de changement social.

Cet article dresse un état des lieux des services d’information et de documentation au Maroc et suit leur évolution à l’ère du digital. L’accent est mis sur les nouvelles compétences des professionnels de l’information liées à l’ingénierie des données et sur les réformes des formations pour répondre aux besoins du pays en professionnels de l’information.

Cet article présente la réalité des bibliothèques publiques en Tunisie et les moyens de développer leurs services à un moment où elles font face à de nouveaux défis suscités par les progrès techniques considérables, tels que la généralisation des bases de données et des systèmes intégrés de gestion de bibliothèques, ainsi que la montée en puissance des systèmes libres en source ouverte. Dans un premier temps, nous donnons un aperçu de l’enseignement de la bibliothéconomie en Tunisie ; nous présentons le cadre juridique tunisien des bibliothèques publiques et leurs fonctions. Ensuite, nous exposons les problèmes auxquels elles sont confrontées. Enfin, nous formulons un ensemble de propositions afin de développer le secteur des bibliothèques publiques en Tunisie pour mieux répondre aux besoins des usagers.

Dans les organisations, les veilles sont encore souvent diffusées en silos informationnels, via des newsletters adressées par courriels. À la faveur du confinement sanitaire et afin d’initier une veille plus partagée, ouverte et collaborative, une plateforme de diffusion automatisée des veilles, depuis divers outils de surveillance tels que InoReader, KB Crawl et Sindup, a été expérimentée de manière agile avec le logiciel libre WordPress.
Accessible sur smartphone, cette plateforme propose des fonctionnalités collaboratives, sémantiques, de recherche et de capitalisation des contenus, et des statistiques détaillées de consultation. Après avoir été expérimentée par une trentaine de veilleurs dans 17 entités différentes, elle a été hébergée, consolidée, mise en forme et sécurisée avec l’aide de l’éditeur de technologies de veille Sindup.
Ce modèle de plateforme construit avec WordPress est entièrement reproductible pour un très faible coût. Il pourrait permettre aux veilleurs de rendre plus efficiente la diffusion de leurs veilles et aux éditeurs de plateformes de proposer des offres moins onéreuses, plus centrées sur leur coeur de métier qui reste la mise en surveillance des sources. Il pourrait aussi permettre aux éditeurs de s’adresser à un marché plus large de PME, de TPE et d’associations.
Faisant suite à un précédent article à vocation concrète et professionnelle, le présent article résulte d’une analyse plus conceptuelle de cette expérimentation originale.

À la suite du séminaire dédié au care organisé pendant plusieurs années au sein du programme « Éthique et Information » de l’axe de recherche IV dans le cadre du laboratoire GERIICO, Marianne CAILLOUX et Camille MORET définissent la notion en ce qu’elle concerne aussi les métiers de la documentation et plus particulièrement les milieux archivistiques. Elles dressent un panorama des différentes initiatives entre la sphère francophone et le milieu anglo-saxon, en s’appuyant sur un état de l’art théorique bibliographique à jour et sur les expériences professionnelles des archivistes australiens, force motrice dans la pratique mondiale. Il s’agit de proposer une revue des pistes actuellement en cours d’élaboration et d’expérimentation dans tant la mise en accès des documents, la recherche documentaire, l’exposition patrimoniale, l’accompagnement des requérant.e.s documentaires mais aussi des professionnel.le.s travaillant avec des fonds et des collections sensibles.