OSINT Open source Intelligence

1 Le monde des documentalistes est depuis toujours à la croisée de multiples univers professionnels. L’OSINT appartient à ces champs divers par ses pratiques, ses acteurs et son environnement. 2 L’ADBS et la revue I2D se devaient d’être le vecteur de ce rapprochement entre différents experts de l’information : les documentalistes et les journalistes. À l’instar des usages documentaires, l’Open Source Intelligence applique des méthodes de travail collaboratif et se saisit de l’esprit critique, elle participe de la veille et de l’intelligence économique et doit se plier à une éthique rigoureuse. 3 Ainsi ce numéro sur la « fouille de données » en source ouverte ouvrira sans nul doute de nouveaux horizons à nos adhérents fidèles et nos lecteurs nombreux dans les centres d’information, les universités dans le monde entier (ou presque !), que nous savons friands de connaissances et de retours d’expérience. 4 Je profite de cet édito pour annoncer qu’I2D est désormais proposée en impression à la demande chez Cairn ; l’occasion de se constituer une collection utile et agréable à lire et feuilleter ! 5 Merci aux auteurs, merci aux coordinateurs, merci aux lecteurs pour leur fidélité ! 6 Bonne lecture… et au prochain numéro ! Mis en ligne sur Cairn.info le 24/05/2021 https://doi.org/10.3917/i2d.211.0007

Acronyme d’Open Source Intelligence, l’OSINT désigne un ensemble de méthodes et de techniques qui permettent d’exploiter efficacement des sources d’information librement accessibles. Née au sein des services de renseignement pour s’étendre ensuite aux domaines de la cybersécurité, de l’intelligence économique, du journalisme et, plus largement, de l’activisme citoyen, elle offre à quiconque sait manier certains outils la possibilité de mener des recherches ciblées pour repérer des informations clés, surveiller des activités suspectes et se prémunir contre les attaques. Raconter l’histoire de l’OSINT c’est revenir sur cette ouverture spectaculaire d’une pratique historiquement réservée à une poignée de professionnels pour tenter d’en déceler la portée actuelle et les limites.

 

Pour Williams et Blum (2018), l’Open Source Intelligence (OSINT) suit un cycle opérationnel de quatre étapes : la collecte (collection), le traitement (processing), l’exploitation et la production.

L’OSINT est un territoire stimulant où la promesse d’un renouvellement des méthodes d’enquête vient croiser le besoin de décrypter la masse de données qui circulent sur le web. Son attractivité et son accessibilité obligent néanmoins à interroger les risques d’ordre sécuritaire, analytique et éthique qui le traversent, d’autant qu’il s’agit d’un champ très vaste et parfaitement ouvert à quiconque dispose d’un certain bagage informatique.

Quelles sont les marques d’une bonne enquête OSINT ? Pour Benjamin SStrick, membre du collectif Bellingcat et collaborateur régulier de la cellule Africa Eye de la BBC, la curiosité, l’esprit critique et le travail collaboratif sont les trois ingrédients indispensables d’une recette qui change au gré des enquêtes et des cellules d’investigation.

Baptisé Capitol Hill Project, le travail d’enquête journalistique mené aux États-Unis par Ronan Farrow et John Scott-Railton, dans le sillage des événements de janvier 2021 à Washington, est un exemple fort de collaboration entre citoyens et journalistes. En valorisant l’apport de chacun, les méthodes de l’Open Source Intelligence (OSINT) pourraient contribuer à réduire la défiance que les premiers expriment souvent à l’encontre des seconds.

Bref détour par la littérature policière pour trouver dans les méthodes et les analyses du fameux personnage d’Edgar Allan Poe, le chevalier Dupin, des qualités propres à l’univers de l’OSINT, qui repose sur des mécanismes d’intelligence toute particulière.

 

Appliquées de plus en plus souvent dans les rédactions, les techniques issues de l’Open Source Intelligence (OSINT) ouvrent de nouvelles perspectives en matière d’investigation. Des révélations, en 2014, sur le crash du vol MH17 au-dessus de l’Ukraine à l’identification, en 2021, des assaillants du Capitole, elles constituent une aide précieuse pour mener à bien des enquêtes nourries quasi exclusivement par des ressources disponibles librement sur Internet.

 

Les multiples potentialités de l’OSINT sont autant de compétences à acquérir progressivement par les professionnels de l’information pour gagner en légitimité. Et parmi eux, les documentalistes ne doivent pas être les derniers à franchir le pas. Voici quelques explications.

 

Paul Otlet a défini l’hyperdocumentation comme un stade ultime de la documentation où tout serait potentiellement consigné et rendu consultable. L’OSINT s’inscrit dans cette relation d’accessibilité renouvelée et maximisée au point d’interroger les compétences professionnelles qu’elle permet de mobiliser et de mieux saisir les rapprochements qui s’opèrent entre le monde de la documentation, celui du journalisme et de l’investigation en général.

Jean-Marc Manach est l’un des pionniers de l’enquête sur le numérique en France. Depuis plusieurs décennies, il puise dans les techniques propres au data journalisme et à l’OSINT les ressources nécessaires pour composer ses travaux de recherche et d’investigation. Dans cet entretien, il revient sur son parcours singulier, celui d’un outsider dont les références sont surtout celles de la contre-culture.

Favorisée par l’émergence du web 2.0 et le désir d’en savoir plus sur les actions des différentes organisations institutionnelles et commerciales, l’OSINT a peu à peu éveillé un intérêt grandissant, au-delà des professionnels du renseignement et de la competitive intelligence. Ses méthodes d’investigation s’avèrent proches des logiques de la veille et de l’intelligence économique. Dans la richesse protéiforme de ses applications, ces deux disciplines peuvent trouver matière à de nouveaux développements, pour répondre de façon plus efficace à des nécessités informationnelles commerciales, stratégiques ou communicationnelles.

 

Le Google Hacking, devenu Google Dorking, permet de récupérer des documents de toute sorte grâce à des requêtes ciblées sur le moteur de recherche Google. Cette pratique demeure cependant limitée, car la plupart des usagers ignorent les possibilités de recherche avancée et sont peu conscients de la puissance d’indexation des moteurs de recherche et de l’opportunité de connaître quelques règles pour en tirer les bénéfices. La pratique implique une démarche de veille, tant pour des spécialistes de la cybersécurité que pour des chercheurs d’information.

 

Les techniques de l’OSINT sont un véritable atout pour les journalistes d’investigation qui travaillent sur des terrains difficiles. Pour comprendre la démarche et saisir la valeur ajoutée de ces méthodes, voici un décryptage de trois enquêtes emblématiques réalisées par des collectifs internationaux d’enquêteurs, de journalistes et d’activistes au cours de ces deux dernières années.

Journaliste pour la cellule d’enquêtes visuelles du New York Times, Haley Willis a rejoint le grand quotidien américain en tant qu’enquêtrice OSINT en 2019, après une expérience marquante au Centre pour les droits de l’Homme de l’université de Berkeley. Pour cet entretien, elle décrit la place qu’occupe désormais l’OSINT au sein du NYT et revient sur l’une des enquêtes visuelles qui a fait grand bruit aux États-Unis : l’enquête sur la mort de George Floyd au printemps 2020.

L’existence d’une communauté OSINT s’observe par le développement de lieux d’échanges et de projets dédiés. Au-delà des différences évidentes, un esprit commun se dessine autour de certaines pratiques, méthodes et valeurs qui reposent sur des logiques collaboratives et humanitaires.

Les outils et astuces qui apparaissent et disparaissent interrogent la pratique de l’OSINT dans son rapport à la technique. Quelles méthodes utiliser pour convaincre et quels instruments employer pour mener une enquête ? Dans le contexte mouvant de l’OSINT, il s’agit de repérer les principaux éléments du « maître d’armes » de l’enquêteur numérique.

L’analyse des sources ouvertes nécessite des outils qui soient capables d’effectuer des crawls de sites web pour mieux les catégoriser et faciliter leurs analyses sous des formes notamment cartographiques. Basé sur l’analyse des communautés en ligne et des controverses, My Web Intelligence est un outil pour les digital studies dont l’intérêt dépasse les seuls intérêts de la recherche pour faciliter l’étude et l’analyse des réseaux d’influence et des stratégies de viralité de l’information.

 

À partir de son expérience personnelle, Pierre-Carl Langlais montre l’ampleur des potentialités de recherche dans l’exploitation des ressources numérisées accessibles à partir des collections de Gallica. L’extension des ressources désormais accessibles en ligne concerne également les archives et les collections des temps passés. Une opportunité que les professionnels de l’Open Source Intelligence (OSINT) ont intérêt à prendre en compte.

 

Cet article a pour objet de mettre en lumière les conditions du développement des préoccupations documentaires de l’administration après-guerre, en se focalisant sur deux acteurs majeurs de cette évolution : la Commission de coordination de la documentation administrative (CCDA) et l’Association professionnelle des documentalistes (ADBS). Il tente d’éclairer les logiques de coordination interministérielle et de mutualisation mises en œuvre par les pouvoirs publics pour développer la technicité de la fonction documentaire dans les services et qui rendront possible ultérieurement la mise en place d’un statut interministériel des documentalistes.
Il fait suite à l’article de Catherine Baude détaillant les actions menées pendant plus de quarante ans par l’ADBS pour améliorer le statut des personnels de documentation dans la Fonction publique d’État. S’appuyant sur ce premier récit de l’action d’une association professionnelle, les auteures ont cherché à retracer, sur un temps long, l’émergence et l’évolution de la fonction documentaire dans l’administration.