Pratiques éditoriales dans les métiers et services de l'information-documentation

Les professionnels de l’information-documentation font-ils de l’édition sans le savoir ? LA QUESTION ÉDITORIALE est inhérente à leur fonction, omniprésente dans leur métier. Elle est, de plus en plus, inscrite dans leurs compétences. CE DOSSIER EST L’EXPRESSION des besoins et des pratiques des professionnels - enseignants, documentalistes en poste, associations professionnelles. Tous s’interrogent en permanence, impérieusement, sur les enjeux liés à l’édition et à l’éditorialisation. N’hésitez pas à nous adresser vos avis, vos remarques, vos références… et vos expériences. Bonne lecture !

Avec l’essor de l’édition numérique, la fonction éditoriale s’intègre de plus en plus dans le cœur de métier des professionnels de l’information-documentation.
D’une part, la production de documents dérivés (secondaires), dévolue par nature aux documentalistes, mobilise bel et bien des savoir-faire propres à l’édition, ce qui interroge la distinction traditionnelle entre les deux métiers. D’autre part, un nombre croissant de professionnels de l’info-doc, dans les services documentaires, les bibliothèques ou d’autres entités, participent à la production et à la diffusion de contenus primaires.
Entre édition et éditorialisation, innovation technologique et imagination créatrice, de nouveaux produits, de nouveaux traitements de l’information, de nouveaux modèles et de nouveaux rôles se mettent en place.
Pour explorer ce paysage foisonnant, nous avons fait appel à une trentaine d’experts du domaine : documentalistes, bibliothécaires, éditeurs, enseignants, formateurs et chercheurs, en France et ailleurs… La diversité et la richesse des contributions illustrent la réalité d’un terrain en pleine évolution, complexe, dynamique, contradictoire parfois, incertaine aussi.
Nous espérons ainsi ouvrir un champ fertile à la réflexion. 

Les référentiels de compétences, de métiers ou d’emplois-types contribuent à définir le cœur et le périmètre d’un métier. Quelle est la place des fonctions éditoriales dans les référentiels les plus utilisés dans le domaine de l’info-doc ?

 

Dans ses cursus de formation, l’Enssib accorde une place importante à l’édition. L’édition est d’ailleurs un débouché potentiel pour les diplômés de l’Enssib. Mais comment les étudiants apprennent-ils à « faire de l’édition » ? Dans cet entretien riche en nuances et en perspectives, Valérie Larroche explique la vision développée à l’Enssib : plutôt que de former à l’édition au sens classique du terme, il s’agit de sensibiliser l’ensemble des apprenants à la publication numérique, et ce dans toutes ses dimensions, techniques, intellectuelles et entrepreneuriales. À ce titre, l’éditorialisation des savoirs et l’Open Access sont les deux pôles d’expertise privilégiés.

La stratégie de l’INTD est celle d’une ingénierie documentaire transversale. Pas de diplômes ou de certifications dédiées à l’éditorialisation stricto sensu, ni à l’édition, mais des formations aux outils de publication numérique et aux méthodes de conduite de projet, très utiles aux élèves chargés d’opérations de valorisation de contenus culturels, patrimoniaux et scientifiques. Si les compétences évoluent, si entre édition, éditorialisation et ingénierie documentaire, les métiers se fondent et se recomposent, n’oublions pas qu’éditer ne se limite pas à publier.

En Allemagne, quatre villes ont des Masters en sciences de l’information et bibliothéconomie : Berlin, Hambourg, Leipzig et Cologne. L’Institut des Sciences de l’Information (Institut für Informationswissenschaft [IWS]) de l’Université des Sciences appliquées de Cologne (TH Köln) propose trois licences et deux Masters qui traitent de la production, de l’acquisition, de la présentation, de la gestion et de l’archivage de l’information - en bref : les différentes phases du cycle de vie de l’information. Quelle place pour l’édition dans cette offre de formation ? Nous avons posé quelques questions à la directrice adjointe de l’IWS, Simone Fülhes-Ubach.

Dès sa genèse, l’Association des professionnels de l’information et de la documentation a développé une, ou plutôt des pratiques éditoriales. Adossées aux innovations technologiques et aux mutations de la fonction documentaire, ces pratiques s’inscrivent dans une logique de partage, de communication et de transfert de savoirs ; elles s’appuient sur des savoir-faire et des processus professionnels. Le produit phare de l’ADBS, la revue I2D, en témoigne. Objectifs : répondre au mieux aux préoccupations de ses adhérents, capitaliser, apporter de la valeur ajoutée. Entre production (via des ouvrages et des revues), gestion et transformation de contenus (via le site, les réseaux, les groupes participatifs), et formations (via les stages), l’ADBS explore de vastes territoires éditoriaux. Pour autant, elle ne cesse de se questionner et de s’adapter, dans un modèle de work in process.

 

Les documentalistes et les bibliothécaires ont de nombreuses qualités qui les rapprochent du monde de l’édition. Ils ont une culture de l’écrit et une connaissance au moins passive de l’édition. Ils participent de plus en plus à l’édition de nombreux supports. Mais cela suffit-il pour assumer pleinement une fonction éditoriale et être reconnus comme compétents par des recruteurs ?

 

Les actions de formation continue aux métiers de l’édition proposées par l’Asfored attirent de nombreux bibliothécaires et documentalistes. Pourquoi ? Dans quelle mesure les métiers de l’info-doc, de plus en plus polyvalents, sont-ils amenés à croiser ceux de l’édition ? Aïda DIAB, DG de l’Asfored, répond à nos questions. En soulignant le rôle crucial d’une bonne connaissance en matière d’éditorialisation de l’information.

 

L’association Centre Inffo, spécialisée dans la formation professionnelle, propose un grand éventail de publications, dont deux nouveautés à forte valeur ajoutée et très appréciées : l’Aperçu Formation et L’Expresso compétences. Parmi les divers contributeurs de ces productions documentaires, les professionnels de l’info-doc, amenés à déployer des activités éditoriales de plus en plus importantes et innovantes, voient leur rôle et leurs compétences évoluer sensiblement. Une chance et un défi.

 

Le monde de l’édition évolue à grande vitesse : il lui faut intégrer des composantes de plus en plus techniques, s’adapter aux nouveaux modèles de publication, aux mouvements de fond tels que l’Open Science. À ce titre, les qualités et compétences des experts de la documentation, notamment de veille, sont très recherchées, et nous comptons déjà un certain nombre d’ex-documentalistes au sein des équipes de Springer Nature. Un documentaliste fera-t-il pour autant un bon éditeur ?

Souvent méconnue, la fonction éditoriale des professionnels de l’information en milieu juridique est appelée à se déployer et s’approfondir. Car si le développement des technologies et des open data conduit les producteurs de données en droit à proposer de plus en plus de contenus, c’est sous forme de ressources brutes, atomisées, peu utilisables sans retraitement. L’imagination éditoriale des infomédiateurs juridiques et leur capacité d’adaptation pour accompagner les utilisateurs finaux sont à la mesure de cette offre numérique : sans limite.

La notion d’éditorialisation est mouvante. Selon Ghislaine Chartron, qui a publié en 2016 un article relatif à ce sujet, elle peut être définie comme un processus ouvert, ancré dans le paradigme de l’élaboration collective de contenus via les outils numériques du web. Ce processus multiforme n’en demeure pas moins inhérent aux métiers du document.

Mieux répondre aux besoins d’information des utilisateurs, se conformer à la réglementation tout en maîtrisant les coûts, donner plus de sens à son activité… Pour relever ces défis, l’équipe du service Documentation du Département de la Vendée a adapté sa stratégie documentaire, et imaginé « une info servie sur un plateau » : des produits de veille éditorialisés et personnalisés. Portée par une refonte radicale du langage documentaire et une plateforme innovante de publication digitale, cette politique pionnière se traduit par un workflow intense et minutieux, mais efficace et gratifiant. Sidoni, c’est aussi un service rebaptisé, des métiers revalorisés, légitimés.

 

L’éditorialisation des contenus de veille est aujourd’hui cruciale, si l’on veut répondre aux nouveaux usages. À cet égard, les techniques de représentation graphique (datavisualisation ou dataviz), de plus en plus utilisées par les médias, comme on l’a vu lors de la crise de la Covid-19, sont des outils séduisants. Ils permettent de diffuser une information de manière rapide, et synthétique, donc percutante. Cependant en termes de méthode et de pertinence, ils posent un double défi : statistique et heuristique.

L’éditorialisation des données de la recherche est un enjeu majeur de la communication scientifique. Si le regard des chercheurs reste primordial, les professionnels de l’information, impliqués dans la gestion des infrastructures de recherche, des plateformes et des entrepôts de données, contribuent largement à la structuration et à la visibilité de ces données. Zoom sur un exemple représentatif : les articles de données (data papers).

Le carnet de recherche Digital Libraries & Information Science (DLIS) est une initiative originale de l’Enssib, qui a pour vocation de rapprocher les communautés professionnelles opérant dans le domaine des sciences de l’information et des bibliothèques. Cet article montre comment, au sein de ce dispositif éditorial collaboratif et partagé, les compétences en matière d’information et de documentation, à la fois communes et spécifiques aux métiers de chercheur et de bibliothécaire, convergent autour de la fonction d’éditorialisation de leurs pratiques professionnelles.

 

Les bibliothèques publiques produisent de nombreux contenus éditoriaux et éditorialisés : des articles de synthèse ou de signalement, adaptés au web. Mais comment être sûr qu’ils rencontrent le public ? Et quels publics ? L’enjeu est d’autant plus important que l’usager est désormais au centre des préoccupations. Une enquête, menée en juin 2019 sur dix réseaux de bibliothèques, révèle les freins et les obstacles, mais aussi la satisfaction et les attentes, notamment celles des grands lecteurs. Elle ouvre des pistes de réflexion sur les stratégies à adopter.

 

Lancés par des universitaires mais aussi par des territoires, les projets d’humanités numériques répondent à des enjeux patrimoniaux, mémoriels, sociétaux. Les objets documentaires riches et inédits qu’ils suscitent reposent sur deux principes : la granularité et l’hyper-connexion. À ce titre, ils exigent des savoir-faire professionnels en matière de classification et d’éditorialisation.

Au sein des organismes culturels, les bibliothèques se doivent non seulement de faire circuler les savoirs sur les réseaux, mais aussi de développer de nouvelles stratégies de communication inspirées de celles du divertissement. L’exposition transmédiatique « Montaigne superstar » à la Bibliothèque de Bordeaux illustre cette tendance à l’éditorialisation des contenus patrimoniaux et culturels. Elle a aussi été l’occasion pour les professionnels de l’info-doc, amenés à conjuguer leur expertise avec la maitrise éditoriale des outils numériques, de redéfinir leurs compétences. L’analyse s’appuie sur un article paru dans la revue Communication et Organisation.

Le Knowledge Hub d’Audencia regroupe les services de bibliothèque de l’école et accompagne le travail de ses étudiants et enseignants. Parmi les missions de cette équipe de documentalistes figure le community management : communiquer, via des publications régulières sur Twitter et Facebook, auprès des enseignants et des étudiants. Ce travail d’animation éditoriale, à tendance descendante, est difficile et assez ingrat. Les étudiants ne sont pas toujours au rendez-vous… Pour mieux les séduire, l’équipe a engagé une démarche de professionnalisation, explorant plusieurs pistes. La période du confinement du printemps 2020 s’est révélée propice.

Pour s’adapter à la transition numérique et répondre aux attentes de ses publics, la bibliothèque se réinvente. Des BU aux CDI, en passant par les bibliothèques municipales, les personnels sont amenés à concevoir et déployer des produits éditoriaux innovants : contenus pédagogiques, e-books, livres audio, éditorialisation de ressources sur des portails numériques, des ENT, des plateformes multimédia… Comment les professionnels de l’information s’emparent-ils de ce nouveau rôle éditorial qui leur est confié, parfois imposé, au sein de ces bibliothèques en mouvement ? Cet article est le fruit d’une série d’enquêtes qualitatives menée à partir de 2014 auprès de neuf Learning centres du secondaire et du supérieur et quatre bibliothèques municipales.

Aujourd’hui les bibliothèques doivent gagner en visibilité et répondre aux attentes des publics du web. Il ne leur suffit plus de rédiger des notices et de mettre en ligne leurs catalogues. À cet égard le web de données fait évoluer leurs pratiques et leurs compétences. En incitant les professionnels de ces lieux de savoir à structurer et valider les données à diffuser selon les standards du web, cette technologie les rapproche de la logique et des métiers de l’édition. À tel point que certains voient les bibliothécaires comme les futurs valideurs, ou médiateurs du web.

 

Augmenter massivement la capacité des bibliothèques à publier des revues scientifiques en libre accès, les aider à se professionnaliser pour offrir une alternative à l’édition commerciale, et faire ainsi avancer une recherche ouverte et communautaire : tels sont les enjeux du projet américain Library Publishing Workflow, mené sur deux ans par l’Institut Educopia à Atlanta, Georgia, en collaboration avec le consortium de bibliothèques la Library Publishing Coalition, et douze bibliothèques pilotes. Il s’agit d’explorer, de documenter et de modéliser les différentes étapes de la chaîne d’édition (workflow) de revues scientifiques. Pour l’ADBS/I2D, trois membres fondateurs font la lumière sur ce projet exceptionnel.

 

Lancée en 2003 par l’Université de Nice Sophia-Antipolis, la plateforme de revues scientifiques Revel@Nice a été l’une des premières initiatives en Open Access d’une université française. De la gestion à la diffusion en passant par la production, cette plateforme, adossée à Revues.org, rend un grand service aux chercheurs en SHS et à leur établissement. Or si elle a vu le jour, c’est d’abord sur une proposition du Service commun de la documentation (SCD).
Ensuite, ce même SCD, fort de son rôle de médiation, a largement contribué à son fonctionnement et son succès. D’autant que l’atout principal de Revel consiste à fournir une assistance de proximité aux équipes éditoriales.

L’Université de Lille prépare une nouvelle plateforme de revues scientifiques. Les porteurs de revues disposeront d’un ensemble d’outils et de services en échange d’un engagement à maintenir et développer de bonnes pratiques éditoriales et de démarches de science ouverte. Le Service commun de documentation de l’Université participe activement à sa mise en place de ce projet. Avec à la clé une montée en compétences.

 

Fondée sur un modèle original, la plateforme Épisciences, qui contient actuellement quinze revues, propose un outil complet pour la gestion d’une revue, son hébergement et la diffusion de ses contenus. Elle assure l’hébergement de revues en open access (épi-revues) et le processus de soumission des articles à ces revues, via un dépôt dans une archive ouverte telle que HAL. Les personnels documentaires jouent ici un rôle d’accompagnement décisif.

Organiser des événements scientifiques : telle est la vocation de la plateforme Sciencesconf.org du CNRS. Elle comporte également de nombreuses fonctionnalités documentaires et éditoriales. Quel rôle et quel intérêt pour les professionnels de l’information scientifique ?

 

Née sous l’impulsion du libre accès, la fonction éditoriale des professionnels de l’info-doc se développe. Le Réseau professionnel REPÈRES, créé en 2018, vise à fédérer les pépinières de revues scientifiques en accès ouvert (une dizaine en France et une en Belgique, hébergeant au total près de 80 revues), et à consolider les bonnes pratiques. Il est aussi un véritable révélateur du rapprochement des métiers de l’info-doc et de l’édition : de la politique des revues aux recommandations, pour favoriser le dépôt et le référencement, jusqu’à des actions communes entre réseaux professionnels de la documentation et de l’édition, les documentalistes assument de plus en plus de missions éditoriales.

 

Séduits par les médias sociaux et par la démocratisation des blogs au milieu des années 2000, de nombreux professionnels de l’info-doc ont investi la blogosphère dès 2003 pour partager leurs connaissances et leurs préoccupations. Retour sur ces initiatives dont le temps fort se situe en 2010-2012.

 

La Collection Pangloss est une archive ouverte de langues à tradition orale, née il y a plus de vingt ans d’une vision qu’on dirait aujourd’hui de Science ouverte : elle consiste à associer étroitement documentation et recherche, pour leur bénéfice mutuel. L’article revient sur les problématiques d’identification de la ressource, et sur le contexte « socio-scientifique » actuel, pour mettre en perspective le choix – qui peut paraître paradoxal – d’attribuer un Digital Object Identifier (DOI) à chaque document de la Collection Pangloss. Les étapes de la mise en œuvre sont également abordées, dans leurs dimensions méthodologiques et techniques.

 

Le présent article vise à explorer la recherche d’informations des cadres dirigeants d’une entreprise française de télécommunications en contexte de transformation numérique. Nous appuyant sur les méthodologies de la construction de sens (sense-making) et de la théorisation enracinée (grounded theory), nous analysons les pratiques de recherche d’informations des cadres dirigeants et les sources d’informations utilisées par ce groupe d’acteurs. Les résultats de notre étude empirique nous permettent de distinguer deux catégories principales de sources d’informations auxquelles ces acteurs font appel dans leurs activités quotidiennes : des sources humaines et des sources non humaines. Plusieurs facteurs influençant le processus de recherche et le choix des sources d’informations sont identifiés et, notamment, la temporalité qui représente une contrainte majeure. L’étude montre que l’activité informationnelle, et notamment la recherche d’informations, deviennent plus complexes dans un environnement numérique se caractérisant par une multiplication des dispositifs et sources d’informations, une diversité des pratiques informationnelles et une gestion de l’information en « silos ».